Notre époque produit des zappeurs, des esprits condamnés à sauter rapidement d'un sujet à l'autre. Par contre, l'intérêt de l'individu, c'est son look, ses caractéristiques extérieures, l'image de lui-même qu'il propose. Le peintre Jean-Louis Rouget est-il vraiment de son époque, lui qui désire approfondir chaque fois son sujet, mais aussi en saisir la fragilité particulière ? À l'écoute de l'originalité de chacune de ses découvertes, il en traduit la vie intérieure, la force et la précarité, l'éclat et le mystère.
Peintre formé à bonne école à Toulouse, il a complété ses études en Sorbonne avec théories et réflexions. Cela n'est pas inutile mais, les moyens étant acquis, l'important c'est de les oublier pour ne plus écouter que l'appel extérieur, la séduction, la fascination d'un réel fugace qu'il faut garder, magnifier dans ce dialogue de l’œil captivé et de la main qui veut fixer les beautés éphémères de la nature. Ces beautés, le peintre les voit autant dans une tâche de rouille riche de nuances que dans l'éclat jaune des genêts en fleurs. D'ailleurs, l'artiste n'est pas photographe, son œil dépouille, synthétise le sujet.
Quelques traits sombres sur un fond clair, Jean-Louis Rouget retrouve parfois la retenue suggestive des Japonais.
Le précaire est son gibier préféré. Mettre sur une toile l'instant de lumière qui a éclairé une vitre ou joué sur un mur, fixer la nuée qui flotte, c'est la joie du peintre. Comme un poète qui choisit ses adjectifs ou trouve une formule ramassée, il entre dans les détails ou bien enlève ce qui lui semble accessoire. Le réel auquel il est toujours fidèle peut devenir choix épuré ou bien donner à sa vision, matière épaisse.
La peinture de Jean-Louis Rouget, avant d'être un plaisir pour l'amateur, est un plaisir pour lui-même; et un plaisir fin qui a l'élégance de paraître léger, changeant, divers. L'artiste reste si respectueux du réel qu'il sait le dégager de qui l'encombre pour n'en donner que l'essentiel : une ligne, un éclat coloré, un contraste ou une suite de passages nuancés. En peintre-poète, il nous attache à ses découvertes. Il révèle les richesses du monde muet, suggère, accentue d'un trait en restant respectueux du secret des choses auxquelles il a donné vie.
Marguerite Gaston, critique d'art