Jeanne Agache-Pointet 1904-1989
Peintre entomologiste, orientaliste, écrivain, conteuse…
Une rencontre décisive
En 1971, je n’avais pas trop le goût des études, j’avais pris la décision d’arrêter là mes études. Je voulais devenir peintre. À l’occasion d’une visite au musée Rignault à Saint-Cirq-Lapopie et avec l’insouciance de la jeunesse : je cherchais à exposer. On me conseilla de prendre contact avec Madame Jeanne Agache-Pointet artiste-peintre, habitant Cahors et responsable des expositions du musée : c’est elle qui déciderait ! Rendez-vous pris, j’étais très intimidé par cette première visite, Jeanne Agache-Pointet me reçut fort aimablement. Elle était sobrement vêtue de noir et sa coiffure étonnante composée de deux macarons en résille noire lui donnait une apparence d’un autre âge. Elle dégageait une sérénité et une assurance qui m’impressionnèrent. Après les premières présentations, elle me demanda de voir mon travail, je restai sans voix car je n’avais même pas pensé qu’il serait peut-être important d’apporter avec moi le peu de travail que j’avais réalisé. Par chance j’avais quelques paysages dans la maison familiale à côté de Cahors. Je revins avec mes premières huiles réalisées sur le motif. Elle regarda minutieusement l’ensemble, examina les détails, la pâte, les matières, les couleurs avec intensité. J’étais terrorisé et me sentais m’écrouler dans le fauteuil dans lequel j’étais installé. Mais elle me sourit avec malice et me dit : « vous avez des qualités sans nul doute, vous serait peintre c’est sûr, mais … (ce mais, je l’entends encore !) mais il vous faudra travailler dur. D’abord vous allez passer votre bac, il n’est plus question d’arrêter les études, je vous ferai travailler la littérature, l’histoire. Vous ne serez pas mon élève, je n’en ai pas et je n’en ai jamais eu, mais je vous conseillerai. Ne vous inquiétez pas je vous ferai exposer à Saint-Cirq-Lapopie, mais il faudra m’écouter en tout. Je vous amènerai jusqu’au professorat. » J’acceptais tout avec la confiance en un avenir radieux.
Je me rendais régulièrement chez elle avec de nouvelles peintures et ainsi de proche en proche, nous nous sommes apprivoisés : elle bienveillante et charmeuse, moi toujours intimidé et admiratif. Pendant l’été, je peignais beaucoup en pleine nature. Lorsque je venais la voir : elle me racontait des histoires, des poèmes, des légendes de son pays : l’Algérie, découvrir ses manuscrits, ses albums, ses recueils, ses peintures… Tout un monde s’ouvrait à moi… Sa vie semblait un roman. Elle me captivait, m’insufflait sans que j’en eus conscience son savoir, sa culture. Elle m’emportait à la rencontre des personnages qu’elle avait côtoyés : son père Fernand Pointet chef de goum (corsaire du désert), sa famille Mougin-Lyautey, l’Afrique du Nord, le prince d’Annam, Etienne Dinet, Rochegrosse, Paul Simoni, Emile Decker, Maxime Noiret, Paul Jouve, son ami Foujita, Mohamed Racim, Sliman Ben Ibrahim, etc… Elle me racontait sa vie, son œuvre, ses espoirs, ses doutes…
Dès l’été 1972, Madame Agache-Pointet me fit exposer dans le groupe d’artistes qu’elle réunissait au musée de Saint-Cirq-Lapopie. Pour l’instant j’étais un jeune talent en devenir… Les années de Lycée passèrent très vite, avec l’obtention en 1974 du Baccalauréat.
À partir de là, j’ai suivi ma route au grès des rencontres… et en accord avec ses conseils toujours judicieux.
Depuis sa disparition je m’efforce de lui rendre hommage par des expositions dédiées à son œuvre qui reste à découvrir.
Texte de Jean-Louis Rouget, photographie de Didier Miquel